Opinion de Caroline De Cartier: Une formation pour les jeunes enseignants
Ne serait-il pas pertinent de payer les enseignants débutants à temps plein mais de leur demander de prester que 75% en tant qu’enseignant et de consacrer 25% à leur formation continue ?
Pourquoi demandons-nous à un jeune enseignant de faire un métier plus difficile que son collègue expérimenté? En effet, en Belgique, quand les enseignants débutants ont la chance d’avoir un temps plein pour toute l’année au sein d’une même école (ce qui est déjà rare!), ils héritent souvent des classes réputées comme étant les plus compliquées (différenciées/3ièmes professionnelles...) et d’horaires morcelés (peu de classes parallèles, beaucoup de cours différents, nombreuses heures de fourches...). Parfois, on leur affecte un référent mais ils bénéficient rarement d’un accompagnement professionnel de qualité. Très peu sont observés dans leur pratique lors de leurs premières semaines et rares sont les opportunités qui leur permettent de prendre du recul sur leurs pratiques 1et de collecter du feedback sur leurs forces et leurs points d’améliorations. Selon le rapport du GIRSEF (2013), le taux de sortie des enseignants débutants en FWB après un an est de 25%. Et malheureusement, il ne s’est probablement pas amélioré ces dernières années.
Même si la formation initiale est renforcée (ce qui devrait être le cas je l’espère grâce à la réforme en cours), ne faudrait-il pas, au-delà des stages ‘longs’ envisagés, comme dans la plupart des métiers, accepter que ces premières années en tant qu’enseignant soient aussi une phase d’apprentissage? Et donc investir dans ce capital humain au lieu de l’épuiser en l’envoyant dès le jour 1 non accompagné dans “l’arène” de la classe?
A titre de comparaison, un ingénieur qui commence à travailler ne sera jamais responsable tout de suite du fonctionnement d’un processus, un diplômé en gestion ne sera pas responsable tout de suite de manière autonome du marketing d’un produit, une infirmière ne sera pas en charge seule des patients... alors est-ce vraiment raisonnable d’attendre des enseignants qui ont en charge l’éducation de nos enfants d’être excellent dès leur premier jour?
Aujourd’hui, selon notre expérience, un enseignant débutant à temps plein travaille en moyenne 50 à 60h par semaine sa première année. La quantité de travail diminue avec les années (à condition de rester dans une même école et de garder les mêmes cours et les mêmes classes) mais vu l’instabilité du métier lors des premières années, beaucoup sont découragés avant d’arriver à une stabilisation de leur temps de travail.
Pourtant, un prof qui se sent entouré, soutenu, accompagné et pour qui tout est mis en place afin qu’il puisse préparer ses cours de manière sereine, sera un prof bien dans sa classe et sera à même de mettre en place un climat de classe positif et propice aux apprentissages des jeunes.
Par conséquent, même si on a besoin d’enseignants maintenant (la pénurie des profs est de plus en plus criante, en particulier dans certaines matières et certaines régions), ne serait-il pas pertinent d’investir dans le futur et de voir le choses différemment? Ne pourrait-on pas accepter de payer ces enseignants à temps plein mais de leur demander pendant leur deux premières années de ne prester que 75% (15-16h d’enseignement) et de compléter ceci avec au minimum 25% de formation continue (observations de pairs, échanges entre pairs, lectures, formations, échanges avec un mentor...)?
Pour pouvoir faire cette réforme à budget constant, ne serait-il pas intéressant de réfléchir en parallèle à une révision des normes d’encadrement? En effet, autant les enseignants débutants sont trop mis sous pression, autant il arrive aussi que des enseignants plus expérimentés se retrouvent à enseigner à des classes de moins de 10 élèves suite à un nombre trop important d’options, en particulier dans l’enseignement technique et professionnel. Est-ce que l’enjeu n’est finalement pas surtout de mieux équilibrer la carrière des enseignants?