Vers l'aperçu

Faisons de la défense un puissant levier socio-économique

Le budget de la défense va augmenter. Mais la question cruciale porte moins sur la hauteur de ces dépenses que sur la manière de les allouer. La Belgique est l’un des (très) mauvais élèves de l’Otan puisque nos investissements militaires en pourcentage de notre produit intérieur brut (PIB) sont très loin de la norme de l’Alliance (2%). Sans parler des 3 à 3,5% qui pourraient devenir la nouvelle référence lors du sommet de La Haye en juin. Si le nouveau gouvernement est déterminé à mettre les bouchées doubles pour rattraper notre retard, il manque un cadre stratégique pour utiliser efficacement ces ressources. Les dépenses de défense peuvent rapporter bien plus que la simple préparation militaire, elles sont un moteur d’innovation industrielle, d’ancrage économique et de résilience sociale.

Un sprint jusqu’à 3% du PIB

Les pays de référence utilisent leurs dépenses de défense pour accroître leur influence, renforcer leurs industries et s’ancrer dans le bouclier défensif européen. La Belgique traîne en queue de peloton alors qu’elle devrait être en tête, surtout en tant que pays hôte de l’Otan et de l’Union européenne. Qui envisage Bruxelles comme le futur quartier général de l’Europe militaire en gestation? Le think tank Itinera plaide pour un sprint vers 3% du PIB pour les dépenses de défense. Il ne s’agit pas seulement de dépenser plus, mais de faire des investissements qui porteront leurs fruits à long terme. Ce manque d’ambition coordonnée nous coûte en potentiel économique, et affaiblit notre position à la table des négociations européennes. Nous ne sommes pas pris au sérieux comme partenaires pour les investissements paneuropéens, au moment même où la défense, le cyber, l’IA et les technologies critiques sont coordonnées sur le plan stratégique.

Un Sommet national de la Défense

Dans sa dernière étude, Itinera propose d’organiser un sommet national de la Défense, à savoir une concertation structurée entre les gouvernements fédéraux et régionaux, les institutions publiques, l’industrie, les centres de recherche et le secteur financier. Ceux qui prônent une approche «globale de la société» pour les défis sécuritaires actuels doivent penser en termes de budget «global du gouvernement». La défense n’est pas un domaine isolé, elle touche à la technologie, l’éducation, les infrastructures, l’économie et même la santé publique. Chaque département a un rôle à jouer. Un sommet national de la Défense pourrait remplir quatre fonctions essentielles. Premièrement, il marquerait un moment solennel de consensus belge, prenant acte du «changement d’époque». L’engagement social, la résilience et la confiance sont les piliers de notre sécurité. Deuxièmement, il s’agirait de coordonner les priorités d’investissement. Quels projets contribuent le plus stratégiquement à la sécurité, à l’économie et à la coopération? Quelles technologies voulons-nous développer nous-mêmes, avec quels pays devrions-nous collaborer, et quels investissements devons-nous accélérer pour renforcer notre position? Troisièmement, un plan destiné à éliminer les obstacles aux nombreux projets d’investissement est à mettre au point. Le secteur de la défense se heurte à des procédures d’autorisation lourdes, des appels d’offres interminables et un manque de coopération entre le public et le privé. Pour changer la donne, il est crucial de mettre en place un agenda commun. Enfin, quatrièmement, il s’agit de développer une stratégie de financement claire. Les fonds nécessaires doivent être mobilisés, c’est indiscutable. Mais comment s’assurer qu’ils soient collectés et utilisés de manière à obtenir l’adhésion de la société?

Le partenariat public-privé: la clé du succès

La Belgique est un État pauvre, mais riche en termes d’épargne. Les ménages belges détiennent plus de 1.120 milliards d’euros d’actifs financiers. Pourquoi ne pas utiliser cette épargne pour renforcer notre sécurité collective? Un «bon de défense» pourrait offrir un moyen simple et accessible d’impliquer les investisseurs privés et institutionnels. Par ailleurs, le financement intelligent de la dette, la révision des participations publiques et la gestion des fonds européens sont autant de pièces du puzzle à assembler. Ce qui manque, c’est un partenariat public-privé où les gouvernements fournissent les garanties nécessaires pour faciliter la mobilisation du capital d’investissement.

L’exemple des pays scandinaves

Investir intelligemment, c’est choisir les carrefours stratégiques: là où les engagements de l’OTAN rencontrent le développement technologique européen, où la reconstruction de l’Ukraine ouvre des opportunités aux entreprises belges, où la capacité de défense peut s’allier à la cybersécurité des infrastructures critiques. C’est là que le retour sur investissement est le plus prometteur, sur le plan stratégique et économique. La défense doit s’intégrer dans une politique industrielle large, qui renforce les clusters technologiques, accélère l’innovation et crée de l’emploi. La défense est trop cruciale pour ne pas être une mission collective. Les pays scandinaves montrent que c’est possible: une protection sociale forte alliée à une sécurité robuste, soutenue par un large consensus politique et social. La Belgique doit viser cet objectif: une stratégie intégrée où sécurité, technologie, économie et résilience se rejoignent. Au travail!