Pourquoi nos jeunes politiques sont-ils si conventionnels de cynisme ?
Respect, nuance et vérité ne sont pas les qualités qui frappent d'emblée à l'observation des nouvelles pratiques politiciennes...
Alors qu'on lui demandait quel avait été son plus beau but, Éric Cantona, philosophe du XXᵉ siècle qui fut aussi joueur de football , eut cette réponse magistrale: "Mon plus beau but, c'était une passe". Pareille approche trouve, dans l'actualité, un écho particulier. D'une part, à l'occasion de la canonisation de Charles de Foucault , le pape François mit en avant l'engagement du sanctifié dans le monde en suivant la voie de l'humilité, du partage avec les pauvres, du service. Comme en écho, Yannick Noah, chanteur contemporain qui fut aussi joueur de tennis , vient d'accepter de reprendre le rôle précédemment dévolu à ses père et grand-père: chef de village en son Cameroun familial. Il s'engage à s'occuper des anciens, préserver et planter des arbres, maintenir les traditions.
Esprit de selfie
D'autre part, et à l'inverse, trois de nos jeunes politiques ont montré combien l'esprit d'intérêt personnel reste pesant. Il y a quelque temps, Conner Rousseau, président des socialistes flamands , a tenu des propos incendiaires sur Molenbeek où il ne sent pas en Belgique. Imaginerait-on un Indien des campagnes affirmer ne pas se sentir chez lui dans un quartier de Bombay, sous prétexte que cela ressemble trop à New York? Qu'importe les sornettes: M. Rousseau gagne sans doute des voix destinées au Vlaams Belang. Mais la tolérance perd des couleurs , au moment même où le racisme gagne partout en Europe.
En janvier, le président du MR Georges-Louis Bouchez avait laissé se faire lyncher le ministre wallon des Finances, Jean-Luc Crucke, pour le remplacer par un homme plus jeune et redevable. "GLB" a renforcé ses positions. Mais la gestion desdites finances a perdu en expérience, à un moment crucial pour éviter l'explosion de la dette publique.
Et l'été dernier, Sammy Mahdi, secrétaire d'État CD&V à l'Asile et la migration , a réussi à arrêter une grève de la faim de 475 sans-papiers en promettant à la légère un traitement juste de leurs dossiers. Une analyse de l'Association pour le Droit des Étrangers vient de montrer que la promesse n'a pas été tenue [*] M. Mahdi a gagné des galons de démineur. Mais la justice migratoire a perdu des plumes , au moment même où l'Ukraine nous rappelle à l'ordre de l'accueil.
Possibilité du collectif
On pourrait objecter que Cantona, le Pape ou Noah sont acteurs de collectifs qui peuvent échapper à l'inévitable égocentrisme sécrété par les jeux du pouvoir . Or, ce n'est pas évident. D'abord l'autopromotion n'est pas la seule figure possible de l'action collective, quelle qu'elle soit. Au contraire , on voit aujourd'hui se multiplier les initiatives fondées sur le partage du pouvoir dans les champs économique, social et politique.
Le mépris de classe qu'ils ont dû rencontrer ne pourrait-il les amener à préférer le respect et la nuance aux certitudes hautaines, la vérité à la démagogie, le lien à la rupture?
Certes, il importe d'être critique à l'égard de la valorisation des dynamique et intelligence collectives. Celles-ci ne valent pas dans tous les domaines: pas sûr que nous lirions encore les romans de Victor Hugo s'ils avaient été produits en écriture collaborative avec décision par consentement. Et, parfois, elles fournissent aux forts des ruses pour dominer par enfumage. Mais quand même. Outre les réussites pratiques, divers travaux ont montré la possibilité de l'intérêt collectif et du désintéressement individuel , tels ceux de John Elster.
Ensuite, deux des trois ambitieux proviennent d'un milieu populaire . Ce n'est un secret pour personne puisqu'ils en font un argument de vente. Le mépris de classe qu'ils ont dû rencontrer ne pourrait-il les amener à préférer le respect et la nuance aux certitudes hautaines, la vérité à la démagogie, le lien à la rupture? Non que la pauvreté rende bon, mais les coups souvent dégoûtent de la violence.
Eh, les gars… Or, respect, nuance et vérité ne sont pas les qualités qui frappent d'emblée à l'observation des nouvelles pratiques politiciennes. Ce qui pose trois questions. Pourquoi? Pourquoi nos jeunes politiques sont-ils si conventionnels de cynisme? Cela tient-il à la concurrence accrue entre partis? À un effet pervers des réseaux sociaux? À des parcours personnels sans guère d'expérience professionnelle hors du bocal des partis? Le doute est permis.
Une certitude s'impose. Il nous faut, citoyens, démasquer les mensonges, dénoncer les abracadabrantesqueries et peindre en rouge les nez des Pinocchio!
Eh, les gars… Or, respect, nuance et vérité ne sont pas les qualités qui frappent d'emblée à l'observation des nouvelles pratiques politiciennes. Ce qui pose trois questions.
Pourquoi?
Pourquoi nos jeunes politiques sont-ils si conventionnels de cynisme? Cela tient-il à la concurrence accrue entre partis? À un effet pervers des réseaux sociaux? À des parcours personnels sans guère d'expérience professionnelle hors du bocal des partis? Le doute est permis.
Une certitude s'impose. Il nous faut, citoyens, démasquer les mensonges, dénoncer les abracadabrantesqueries et peindre en rouge les nez des Pinocchio!
Quel jugement porter? On ne peut que se réjouir des projets de cette jeune génération: relancer la société sclérosée côté wallon et, côté flamand, reconstituer une force centriste à l'heure des extrêmes , muscler la gauche dans une course dominée par la droite. Mais la pertinence d'une vision à moyen terme justifie-t-elle un manque immédiat de décence? Le doute est permis.
Et, surtout peut-être, que faire? Là, par contre, la certitude s'impose. Il nous faut, citoyens, démasquer les mensonges, dénoncer les abracadabrantesqueries et peindre en rouge les nez des Pinocchio
Plus positivement, nous devons leur opposer des faits, chiffres, arguments. La nature a horreur du vide? Qu'à cela ne tienne: remplaçons le négatif par du positif. Enfin, soyons fous, osons leur lancer un appel: eh les gars... si on se faisait des passes?