L’Union européenne est devenue un projet de "hard power"

L'Union européenne ne veut plus jouer les herbivores au milieu des carnivores. Son projet est devenu celui d'un "hard power". Mais il reste à déterminer la voie à suivre.
Dans un monde où le commerce international est le reflet des tensions géopolitiques, quelle stratégie l'Europe doit-elle adopter alors que la Russie, la Chine et les États-Unis se dressent en partie comme nos adversaires?
Option n°1: une indépendance géopolitique
La première option a le mérite de la grandeur: "Make Europe Great Again". Imaginons une Europe qui projette sa puissance sur le continent, avec un marché intégré doté de capacités technologiques et sécuritaires, le tout soutenu par une refonte de l'Otan.
Cela nécessite une base industrielle et technologique robuste, soutenue par une politique industrielle, commerciale et énergétique tirant les enseignements des enjeux géopolitiques. L'Europe pourrait alors dominer la scène eurasiatique et faire face à une Russie hostile, en collaboration avec des pays comme le Royaume-Uni et la Turquie, tout en atteignant une certaine indépendance géopolitique à l'échelle mondiale.
Option n°2: le dernier bastion de la mondialisation
L’option 2 consisterait pour l’UE à se positionner comme le dernier bastion de la mondialisation, en s'appuyant sur ses valeurs: État de droit, droits de l'homme et libre-échange. Elle travaillerait main dans la main avec des nations partageant les mêmes idéaux, tout en protégeant certaines industries clés pour garantir son autonomie stratégique.
Pour assurer la stabilité, l'Europe pourrait avoir besoin de s'appuyer sur les États-Unis ou la Chine comme ancre de sécurité. Dans ce scénario, les relations avec une Russie d'après-guerre seraient marquées par une normalisation commerciale et diplomatique limitée plutôt qu'une domination hostile.
Option n°3: un protectorat américain confirmé
La troisième option verrait l’Europe continuer à jouer les seconds violons pour les États-Unis. À court terme, cela impliquerait de soutenir l'agenda "America First": conclure un accord commercial favorable aux États-Unis, financer la stabilité en Ukraine et dans les zones frontalières euro-russes, faciliter les intérêts commerciaux américains dans le maintien de la paix, la reconstruction et l'exploitation minière, accepter une paix en Ukraine qui limite l'expansion de la démocratie à l'est des frontières de l'UE, tout en suivant la ligne américaine face à la Chine.
En échange, l'Europe bénéficierait de garanties de sécurité minimales de la part des États-Unis, tout en restant intégrée aux marchés technologiques et financiers dirigés par les Américains, à mesure que ceux-ci se détachent de la Chine.
Quelle option choisir?
Nos dirigeants semblent opter pour toutes ces options à la fois. Nous développons nos capacités de défense et de sécurité, tout en menant une politique industrielle pour renforcer notre position géo-économique.
Nous continuons à promouvoir les accords commerciaux, y compris les tentatives d'approfondir les échanges entre l'UE et la Chine avec une production chinoise en Europe. Nous visons un partenariat avec les États-Unis, cherchant ainsi leur protection, notamment en ce qui concerne l'Ukraine et la Russie, tout en maîtrisant l'art de la négociation commerciale avec Donald Trump.
Redevenir maître de notre destin
Pour que l'Europe redevienne maîtresse de son destin, la boussole géopolitique est claire. Pour contenir la Russie de manière autonome, il nous faut une capacité de "hard power" (puissance dure, par opposition à "soft power", pouvoir d'influence) et une autonomie vis-à-vis des États-Unis, ainsi qu'une indépendance stratégique et économique suffisante de la Chine.
Cela garantirait que l'Europe puisse encore envisager un rétablissement du lien transatlantique avec les États-Unis post-Trump, un scénario historiquement judicieux que nous compromettrions en approfondissant unilatéralement nos relations commerciales avec la Chine à court terme.
Les Européens doivent comprendre collectivement que le "projet européen" est désormais un projet de puissance dure. Ce n'est pas totalement nouveau. Au début des années 1950, les pays européens d'après-guerre ont tenté d'institutionnaliser leur coopération politique et de défense, déjà en réponse à la menace soviétique. La communauté politique et de défense européenne n'a finalement pas vu le jour. La protection américaine et une communauté économique ont ensuite assuré la paix et la prospérité dans une Europe divisée.
Aujourd'hui, alors que l'Europe doit se prendre en charge et que le développement économique est subordonné à la géopolitique, l'échec n'est tout simplement pas une option.