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La relance relève également de la gestion de crise

Il est possible et surtout urgent d’améliorer la culture de gouvernance et d’évaluation dans notre pays. Faute de quoi il n’y a aucun sens à formuler des recommandations.

La crise sanitaire n’est pas responsable de tous les dysfonctionnements de notre pays, mais elle en a mis certains en évidence. Nous avons multiplié – et multiplions toujours – les dérapages, notamment en matière de commandes de masques, de réactivité dans l’augmentation de la capacité de testing et d’opérationnalisation de l’identification des contacts des personnes contaminées. Si nous avions disposé d’un système de tracing performant, nous n’aurions pas dû prendre des mesures aussi draconiennes à Anvers, comme l’obligation de porter un masque sur l’ensemble du territoire de la province. De telles décisions sont motivées par une volonté d’en faciliter l’application. Mais elles paraissent de plus en plus déséquilibrées. Avoir un masque avec soi et le porter dans les lieux les plus fréquentés était une solution raisonnable. Qui rendrait beaucoup mieux justice à la diversité des situations sur un territoire aussi vaste que la province d’Anvers.

On lance des appels sans nuances à une unité de commandement. Elle est certes nécessaire, mais le contact tracing mis en place dans de nombreux pays montre que ce sont surtout les autorités locales qui se montrent efficaces en la matière. L’administration centrale doit surtout éviter de leur mettre des bâtons dans les roues. Et les autorités fédérales et régionales feraient mieux de réfléchir à leurs propres manquements. Revoyez vos procédures pour en réduire la complexité et cessez de demander aux autorités locales d’en référer à l’organe central avant de prendre la moindre mesure.

Dès février, le message en provenance d’Asie était : « testez, tracez, isolez ». Sur la carte, Essen s’est récemment retrouvée en zone rouge parce que l’on y avait constaté six contaminations. C’est précisément dans toutes ces communes qui ne comptent qu’un nombre limité de cas que la mise en œuvre (locale) du testing, du tracing et de l’isolement est cruciale aujourd’hui. Il ne sera alors pas nécessaire d’envisager des mesures plus radicales pour six contaminations.

Crédibilité


Les autorités doivent également s’arrêter sur leur crédibilité. Elles incitent les citoyens à changer de comportement, mais avaient promis que le système de recherche des sources de contamination et des contacts serait opérationnel pour le 11 mai : à la mi-juillet, on apprenait que la Flandre ne comptait que quatre inspecteurs de santé. Et une audition a révélé que la ministre savait que le stock stratégique de masques avait été détruit dès la mi-février. Et n’avait rien fait pendant un mois.

Dans ce domaine aussi, il faut retrouver un certain équilibre : le monde politique peut en demander davantage la population à condition de balayer devant sa porte. C’est aussi un élément central du plan corona d’Itinera pour un avenir robuste.

Politique de relance


La politique de relance peut reposer sur les piliers d’une réactivation du marché du travail dans le cadre de laquelle on mettrait un terme aux folies comme la prépension, on durcirait les conditions de chômage partiel, on procéderait à des investissements ciblés et on mettrait en œuvre une véritable simplification administrative. Favoriser l’apprentissage tout au long de la vie, créer une culture de la formation, s’attaquer aux inadéquations sur le marché du travail : de telles interventions sont nécessaires pour payer la note. Avec notre culture de la responsabilité lacunaire, il sera cependant plus aisé de trouver un consensus sur la distribution d’enveloppes que sur des choix intelligents.

Pour ceux qui ne sont encore pas conscients du caractère crucial des conditions-cadres de la gouvernance : demandez-vous si nos transports publics ont réellement besoin d’argent supplémentaire pour la SNCB, ou si cela n’a de sens que comme brise-glace pour imposer les principes de bonne gouvernance dans nos sociétés de transport ?

Cette politique de distribution suscite une indignation croissante : « C’est maladif dans ce pays ». « Est-ce de l’argent bien dépensé ? Avons-nous défini les bonnes priorités ? » « Il manque encore du matériel de production. Est-ce le moment de distribuer des chèques ? ». Si ce sentiment est si présent au sein de la population, la politique a grand besoin d’une mise à niveau.

Dans ce pays, des recommandations n’ont de sens que si elles soulignent l’importance d’une meilleure culture de l’évaluation et de la gouvernance. Aucun des fonds suggérés aujourd’hui, qu’ils soient européens, fédéraux ou régionaux, n’a de potentiel s’il ne s’accompagne pas d’une gouvernance renforcée et d’une vigilance accrue face au lobbying pratiqué par les groupes de défenses d’intérêts divers. De même, les fonds destinés à la recherche ne créeront de plus-value qu’avec un budget délimité, géré avec l’appui des experts et affecté de manière rapide, mais aussi très sélective sur la base d’une étude de marché claire qui débouche sur un business-case.

Et enfin : la simplification administrative et une percée dans la paralysie des grands chantiers dans notre pays par une réforme du droit administratif sont des exemples de politiques de relance efficaces. Et elles ne coûteront pas le moindre centime.