Vers l'aperçu

La morale en trompe-l'œil

La politique commerciale de Donald Trump, dictée pour partie par des considérations politiques, pourrait bien faire le jeu de la Chine.

Le feuilleton de télé-réalité Trump II se poursuit avec fracas. Depuis l'annonce du « Jour de la Libération » en avril, le monde a basculé dans une nouvelle ère de guerre commerciale froide, orchestrée par les États-Unis.

Sous l'impulsion de l'arbitraire et de l'ego du Président américain, la notion de réciprocité dans les tarifs douaniers est devenue un jeu de pouvoir. Les gouvernements, entreprises et investisseurs doivent désormais naviguer dans un environnement où les accords de dernière minute, les exceptions et les modifications unilatérales par tweet sont monnaie courante.

Un mur commercial s'élève autour de l'Amérique, tel qu'on ne l'avait plus vu depuis les années 1930.

Les droits de douane comme arme géopolitique

La rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine de ce 15 août constitue le nouvel acte de cette saga. À l'ordre du jour: l'Ukraine, mais aussi les sanctions commerciales destinées à affaiblir une Russie belliqueuse. Officiellement, le nouveau coup de semonce tarifaire contre l'Inde est une sanction diplomatique pour ses achats de pétrole russe, qui alimentent la machine de guerre du Kremlin.

Ces « tarifs secondaires » établissent un précédent inédit. Ils illustrent comment les États-Unis entendent utiliser leur poids économique et géopolitique pour contraindre les pays à réviser leurs relations commerciales bilatérales selon leurs desiderata politiques. Trump a déjà employé cette tactique avec le Royaume-Uni pour ses échanges avec la Chine.

Cela pourrait marquer une escalade de la guerre commerciale, transformant les petits pays en pions des grandes puissances. Ce que fait l'Amérique, la Chine pourrait le faire aussi, poussant le monde vers des blocs commerciaux. Mais peut-être faut-il voir dans la manœuvre de Trump une autre stratégie.

Une tactique de négociation risquée

Il y a six mois à peine, Trump semblait prêt à sacrifier l'Ukraine pour des promesses vagues de milliards de dollars d'opportunités commerciales et d'investissements en Russie. L'argent avant les valeurs, la Russie avant l'Europe, tel était le credo. Mais les cartes ont changé, notamment parce que l'Ukraine et l'Europe ont promis des milliards en matières premières, achats militaires et investissements aux États-Unis. Trump n'a pas tant développé une morale qu'il a acheté la menace d'un retrait américain.

Les nouvelles sanctions commerciales contre l'Inde, avec un tarif supplémentaire de 25 %, s'inscrivent dans cette logique. Elles constituent une menace assortie d'un ultimatum. Si l'Inde cède, les États-Unis pourront accroître leurs exportations de pétrole vers ce pays. Trump pourrait ainsi renforcer la domination énergétique américaine dans la plus grande démocratie en croissance du monde.

En ciblant à la fois l'Inde et la Russie, Trump espère que Poutine fera des concessions, permettant à l'Amérique d'en tirer profit. Ce n'est pas une escalade morale, mais une technique de négociation pour extorquer davantage d'accords commerciaux.

L'Inde, partenaire malmené

Il est frappant de constater que Trump vise uniquement l'Inde, alors que des pays comme la Chine et la Turquie importent également du pétrole russe. C'est ce qu'on appelle une morale de façade, ou plutôt une tactique de négociation cynique.

Avec la Chine, la guerre commerciale est encore en suspens. La Turquie est un allié militaire crucial en Europe et au Moyen-Orient. À long terme, l'Inde est le contrepoids démocratique le plus important face à la Chine en Asie, et donc un allié essentiel de l'Occident libre. Mais Trump semble peu s'en soucier.

S'il veut vraiment mettre « l'Amérique d'abord », il doit veiller à ce que l'Inde se développe aux côtés des États-Unis, tant économiquement que militairement. Sinon, la Chine pourrait bien être la grande gagnante.