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TAX SHIFT – Pourquoi notre pays a besoin d’une réforme fiscale

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Faut-il s'étonner de constater que dans le groupe de travail qui conseillait le précédent ministre des Finances sur la réforme fiscale à venir, ne figurait aucun économiste ? Une politique nécessite au préalable une analyse fondée, même si celle-ci n'est jamais complète ni définitive.  L'introduction de machines au 19e siècle semblait aussi être avant tout destructrice d'emplois. Parvenir à une autre conclusion, cela requiert tout un travail de réflexion économique.

Trop souvent, nous nous focalisons uniquement sur les effets superficiels, sans même tenter d'opérer une analyse la plus complète possible. La discussion sur l'abaissement de la TVA sur l'électricité, l'an dernier, est exemplative de ce piège. Le fait qu'une mesure apparaisse sympathique au premier abord ne peut être un facteur déterminant dans l'évaluation.

Supposons un moment que le gouvernement n'ait pas la volonté d'abuser de son administration pour des discussions purement partisanes. Dans cette hypothèse, il demande qu'une proposition soit chiffrée de manière à soupeser à la fois les avantages et les inconvénients, à court comme à long terme.

Si l'administration dispose d'un échantillon de la population, calculer les retombées directes d'une mesure fiscale sur certaines composantes de la population totale est évidemment ce qu'il y a de plus simple. En évaluer les effets prolongés sur l'économie est naturellement beaucoup plus complexe. Cela ne signifie pas pour autant qu'il se justifie d'ignorer les effets dynamiques uniquement parce que les résultats qui en découlent sont moins évidents.  Cela me fait penser à un dessin animé dans lequel un homme qui a perdu ses clés les recherche sous un réverbère, pas parce qu'il les a perdues à cet endroit, mais parce que c'est là qu'est la lumière.

Réduire les impôts au prélèvement de ressources auprès du contribuable ne peut conduire qu'à une mauvaise politique. Premièrement, c'est ignorer les efforts du fisc pour percevoir l'impôt et ceux du contribuable pour s'acquitter de son devoir. À ce « coût de conformité » s'ajoute un coût en termes d'efficience, potentiellement bien plus important encore. Car les gens adaptent leur comportement. Il fut un temps où l'impôt était prélevé sur le nombre de fenêtres que comptait la maison, en tant que signe de richesse. La conséquence fut évidemment le murage de nombreuses fenêtres. Un phénomène qui est encore visible aujourd'hui dans une ville comme Londres.

En corollaire, il y a ce que les économistes appellent l'incidence d'un impôt. Car celui qui subit une imposition n'est pas toujours celui sur qui l'impôt pèse réellement, ceci en vertu des possibilités de répercuter les impôts sur d'autres. Dans le cas d'un impôt sur le capital (ou les revenus du capital) plus élevé que ce qui se pratique ailleurs, le bailleur de fonds ne devra pas nécessairement supporter lui-même cet impôt, celui-ci étant répercuté sur le facteur travail sous la forme d'une baisse des salaires réels. Tant que les gens ne comprendront pas qu'un impôt des sociétés ne pèse pas forcément sur la société ou qu'un abaissement de la TVA peut être à l'avantage du producteur, nous ne pourrons pas tenir une discussion intelligente sur les impôts.

Les débats lors des élections de l'an dernier ont porté, pour une bonne part, sur les propositions fiscales des différents partis. Ce qui, du point de vue de l'électeur, faisait penser à des camelots pratiquant la surenchère sur le marché. Lorsque ce thème n'aura plus comme perspective de créer des gagnants et des perdants, et alors seulement, le climat sera propice à une réforme fiscale significative et approfondie. S'il est clair que ce n'est pas encore le cas actuellement, il est à craindre que cela ne devienne pas encore une réalité dans les mois à venir.

“Tax shift, pourquoi notre pays a besoin d’une réforme fiscale” est publié par Lannoo-Racine: http://www.racine.be/fr/taxshift-version-francaise.