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Tax shift : « Les grandes réformes doivent de préférence être introduites progressivement »

Beaucoup de décisions gouvernementales se prennent dans un contexte de contrôle budgétaire. Nombre de défis sociétaux fondamentaux auxquels notre pays doit faire face ne pourront de ce fait plus être relevés.



Un accord de gouvernement est généralement un programme très impressionnant, chaque nouvelle équipe gouvernementale semblant en effet vouloir réformer l’ensemble du système. Avec des décisions comme la réforme des pensions ou le tax shift, l’accord de gouvernement Michel I ne fait pas exception à la règle. La vraie question est cependant de savoir ce qui, de tous ces plans, va effectivement être mis en œuvre dans la pratique. De toutes les bonnes résolutions que nous prenons nous aussi chaque année le premier janvier, nous savons bien qu’une bonne partie ne seront pas suivies de faits. Avec tout ce qui se trouve encore en chantier pour le moment, il est cependant trop tôt pour faire une évaluation du gouvernement Michel I.



Tax shift : « Les grandes réformes doivent de préférence être introduites progressivement. »



Une chose est sûre : des attentes élevées ont été créées, faisant espérer une rupture radicale avec le passé. Cependant, une politique gouvernementale peut être comparée à un navire pesant : on peut corriger son cap degré par degré, mais inutile d’espérer pouvoir lui imprimer de drastiques changements de direction comme on le ferait avec une vedette nerveuse. D’où l’importance de combiner une vision à long terme avec un plan de transition prévoyant des mises en œuvre progressives. Dans ce contexte, le public se trompe souvent sur le type de leader qui serait le plus efficace.



Un leader dominant



Un leader qui se montre dominant et autoritaire fait généralement une forte première impression, mais est rarement très performant pour anticiper les problèmes ou rectifier ses plans d’action. Ceci exige en effet une certaine ouverture d’esprit à la critique par rapport aux manquements éventuels de ces plans.



Le gouvernement Di Rupo avait par exemple décidé de faire passer l’imposition des bonus de liquidation de 10 à 25 pour cent, soit une augmentation fiscale de 150 pour cent sur ce que beaucoup de chefs d’entreprises considéraient comme leur épargne‑pension. Il s’avère aujourd’hui que cette décision a entraîné la mise en liquidation de plus de 10.000 sociétés. À l’époque, les opposants à la mesure soulignèrent que le fait d’annoncer la mesure mais de ne la faire entrer en vigueur qu’un an plus tard permettrait sans doute d’augmenter provisoirement les recettes fiscales mais aurait de graves conséquences sur le plan économique. Avec cette ‘pirouette’, le ministre des finances du gouvernement Di Rupo cherchait manifestement surtout à combler provisoirement le trou budgétaire.



« C’est devenu une habitude de voir nos ministres s’enfermer le vendredi dans un château pour en ressortir le dimanche, le regard fatigué, en annonçant triomphalement qu’une solution a été trouvée. »



Depuis quelques années cependant, les décisions qui comptent vraiment sont quasi systématiquement prises dans le contexte d’un contrôle budgétaire. On ne s’étonnera donc pas, tant pour le dossier de la réforme des pensions que pour celui du tax shift, de voir primer la logique budgétaire. Ce qui souligne par la même occasion un autre mal de la politique belge. C’est tellement devenu une habitude de voir nos ministres s’enfermer le vendredi dans un château pour en ressortir le dimanche, le regard fatigué, en annonçant triomphalement qu’une solution a été trouvée. Nombre de défis sociétaux fondamentaux auxquels notre pays doit faire face ne pourront de ce fait plus être relevés.



Simplification du système fiscal



Reste encore l’indispensable simplification de notre système fiscal, dans lequel même une chatte ne retrouverait plus ses petits. Le revenu cadastral en est une parfaite illustration. Le revenu cadastral d’une habitation de 250.000 euros peut en effet varier de 500 à 1250 euros. Les propriétaires d’une habitation similaire, dans des conditions identiques, ne sont pas toujours imposés de façon égale. C’est un scandale qu’il faut absolument rectifier, mais ce sera un travail de longue haleine, qui prendra des années.



« Aujourd’hui, la réalité est devenue si complexe que seuls les beaux parleurs promettent encore un big bang. »



Ce dont nous avons donc besoin aujourd’hui, ce sont des hommes et des femmes politiques qui non seulement osent faire des choix mais qui possèdent également la persévérance et la capacité de mettre les choses en œuvre via un plan par étapes. Aujourd’hui, cette réalité est devenue si complexe que seuls les beaux parleurs promettent encore un big bang.



Il nous faut surtout des décideurs politiques capables d’apporter la vision mais aussi la discipline nécessaires pour initier des réformes qui ne pourront réussir qu’avec une bonne dose de persévérance et une mise en œuvre par phases.