Vers l'aperçu

Nafi Thiam comme inspiration pour une école de la réussite

Nafissatou Thiam est entrée dans l’histoire de l’athlétisme et du sport belge ce dimanche 8 août en devenant championne du monde de l’heptathlon après son titre olympique à Rio l’année passée. Son histoire est un exemple pour notre jeunesse et pour la Belgique : volonté, volonté, volonté. Elle démontre comment la réussite finit par sourire aux valeureux. 

Elle a grandi dans un petit village de la commune de La Bruyère sans aucune infrastructure sportive (en dépit des promesses répétées de son bourgmestre depuis plus de 20 ans). Elle se rendait à l’école du village à pieds (1.6 km) car ses parents n’avaient pas de voiture. C’est en train qu’elle se rendait à l’entraînement d’abord à Namur. Mais très rapidement la mauvaise qualité des infrastructures l’a ensuite obligée à se déplacer plus loin dans la province de Liège toujours en train. D’abord au FC Hannut où elle a bénéficié du coaching de Jules Plumier (spécialiste des haies) et feu Marcel Spreutels (spécialiste de la hauteur). Comme résumait son entraîneur de l’époque Jules Plumier : « Nafi n’avait pas de graisse, que du muscle, même dans sa tête ».

C’est cet exemple de volonté, d’intelligence, de travail et au final de réussite que nous souhaitons mettre en exergue dans notre livre «L’école de la réussite» (à paraître en septembre 2017). Dans cet ouvrage coordonné par le professeur Kritof De Witte et moi-même, nous proposons un regard croisé et sans concession sur notre enseignement francophone et flamand. Notre approche se veut objective et lucide. Dans ce livre nous adoptons un cadre normatif explicite qui se décline en trois axes : la liberté, l’équité et l’efficacité de notre enseignement. Nous considérons qu’un système scolaire idéal se doit de trouver un équilibre entre ces trois objectifs fondamentaux. La liberté d’enseignement est bien établie en Belgique qui se classe 3e sur 136 pays sur base de l’indice international de la liberté d’enseignement. Les deux autres objectifs d’équité et d’efficacité pourraient se résumer en une phrase : notre enseignement doit non seulement faire réussir le plus grand nombre mais aussi intégrer le plus grand nombre.

Terre d'immigration

Notre pays la Belgique est une terre d’immigration. Par conséquent notre système scolaire, flamand ou francophone, a une mission d’intégration qui différencie note pays d’autres pays plus homogène socialement ou culturellement. C’est sur cette double mission d’excellence et d’intégration, en utilisant des comparaisons internationales et des expériences concrètes à l’étranger que ce livre se concentre. Dans un chapitre nous proposons une comparaison internationale des systèmes scolaires en termes de qualité de leur « ascenseur social ». Pour chaque pays, nous mesurons la performance de l’ascenseur social scolaire que nous définissons comme la capacité de l’école à hisser des élèves de milieux modestes à un niveau d’excellence élevé (comme Nafissatou).

Le résultat le plus surprenant est la très grande variation de la qualité l’ascenseur social scolaire entre pays. Le Canada figure parmi les pays où l’ascenseur social fonctionne le mieux et la Belgique figure tout en bas de classement (sans différence entre Communauté flamande ou francophone). Cela suggère que le système scolaire en tant que tel est responsable d’un bon ou mauvais fonctionnement de l’ascenseur social. Notre analyse révèle en outre quelques associations troublantes entre la qualité de l’ascenseur social et les inégalités scolaires. Les pays comme la Belgique (Communauté flamande ou francophone) avec une forte inégalité entre écoles ou entre élèves sont aussi caractérisés par une faible performance de l’ascenseur social. A l’inverse des pays comme le Canada ou la Finlande sont caractérisés par une faible inégalité entre écoles ou entre élèves et un ascenseur social plus performant.

Une seconde conclusion importante (et surprenante) de l’analyse est que lorsque l’ascenseur social fonctionne bien, les résultats scolaires sont généralement supérieurs à la moyenne. Pour comprendre ce résultat, on peut revenir à Nafissatou. En effet, en sport, plus nombreux sont les prétendants à la victoire, plus intense sera l’épreuve et plus belle sera la performance d’ensemble. Inversement, les pays qui découragent les enfants, notamment ceux de milieux modestes, restreignent le nombre de prétendants à la victoire et donc le niveau de performance d’ensemble. Autrement dit l’égalité des chances est un vecteur puissant pour promouvoir l’excellence, en valorisant la réserve de talents qui se cachent en particulier dans les milieux modestes.

Le changement est possible

Ce que ce chapitre révèle en définitive, en comparant différents systèmes scolaires, c’est que si les pays ont tous adopté des mesures et politiques pour améliorer l’égalité des chances à l’école, certains pays y sont arrivés beaucoup mieux que nous. Cela doit nous convaincre que le changement est possible sans constamment opposer l’excellence à l’égalité des chances.

Nous proposons des pistes concrètes pour y arriver. Le livre propose d’autres thématiques fondamentales qui seront analysées sous un angle original. Il s’agit des questions de la mixité sociale, du décrochage scolaire, de la transition vers l’emploi, de l’éducation financière et du financement des écoles. Pour chaque thème un regard croisé est proposé entre le système scolaire flamand et francophone, et des propositions concrètes sont offertes en fin de chapitre. Le livre sera disponible gratuitement en ligne à partir de septembre sur le site de l’Institut Itinera. Pour revenir à Nafissatou, espérons que son titre mondial débouche sur la construction du hall sportif promis depuis si longtemps dans sa commune. Et cela afin de faire éclore les futurs talents.

Le livre sera disponible gratuitement en ligne à partir de septembre sur le site de l’Institut Itinera.

Le Soir 8 août 2017