Vers l'aperçu

Le tax shift revêt également un aspect social

Le contrôle budgétaire estival constitue hélas un phénomène courant de la politique fédérale belge, avec ses rituels de conclaves nocturnes et de cocktails éclectiques d'économies et de taxes. Au final, le compte est bon - ou du moins on nous en donne l'illusion - et la rue de la Loi part en vacances. Un départ en vacances qui, cette année, s'accompagnait d'un sacré coup sur la tête. Pour le gouvernement fédéral, ce contrôle a été synonyme de gigantesque "tax shift", lancé triomphalement sous la forme d'annonces politiques faisant l'effet d'un boomerang.



Dans le vide constitué par les vacances de nos hommes politiques, les médias et autres opposants ont déployé leur arsenal de ripostes. Le ton de la réforme sévère et asociale, touchant les plus vulnérables et épargnant les mieux nantis, a vite été donné. S'en est suivi un lot d'improvisation et de communiqués



politiques de vacances, donnant lieu à une nouvelle explosion de colère de la part des chicaneurs.



Ni éloge ni critique



Je ne ferai ni l'éloge ni la critique des mesures budgétaires. Je ne souhaite pas me prononcer sur le bilan final: ceci exigerait une certaine perspicacité et une compréhension de l'ensemble de notre fiscalité, dont le tax shift ne modifie que deux pour cent, ainsi que des répercussions finales des taxes sur notre économie.



Je me contenterai d'examiner l'ingrédient le plus remarquable du cocktail: la baisse d'environ 34 à 25% des cotisations patronales sur les salaires. Cette mesure que tous les experts et toutes les instances réclament déjà depuis plusieurs années, a à présent été prise par notre gouvernement.



 



Nous ne reverrons plus Ford, nous ne sauverons pas l'industrie moribonde, mais nous aurons certainement davantage d'opportunités.

 



La Belgique qui casse littéralement le travail en le taxant se résout à réduire progressivement les pénalisations fiscales qu'elle impose aux travailleurs et aux employeurs.



C'est là une excellente nouvelle pour le potentiel en termes de création d'emplois. Pas question de baguette magique toutefois: n'attendez pas de reproduction miracle des emplois, ne comptez pas trop sur des promesses de nouveaux engagements, mais sachez que, d'un point de vue structurel, nous assisterons à une réduction du seuil par rapport au travail et à l'emploi.



Sachez qu'une baisse des charges patronales peut aussi générer une hausse des salaires



quand tout va bien. Sachez que la Belgique émet ainsi un signal international: nos charges salariales démesurées font grimacer les investisseurs lorsqu'ils comparent les pays susceptibles de les accueillir. Nous ne reverrons plus Ford, nous ne sauverons pas l'industrie moribonde, mais nous aurons certainement davantage d'opportunités.



La baisse annoncée des charges patronales est en outre linéaire. Nous ne parlons pas ici d'une mesure réservée à certains groupes cibles ou favoris, mais d'une progression transversale. Pas de décision compliquée par une multitude de conditions, délais ou limites, mais une procédure simple. Pas de statuts ni d'avantages factices, pas de subsides camouflés façon voitures de société, mais une mesure claire et durable. Voilà en tout cas ce que l'on nous a promis.



Le voir pour le croire



J'attends encore de le voir pour le croire, car les demandes d'attention particulière pour certains secteurs ont déjà été émises. Il nous faudra donc patienter quelque peu, mais l'intention est là. La simplicité a toujours été la règle d'or en matière d'impôts, et donc aussi de charges salariales.



Outre la baisse des charges patronales, le gouvernement s'est prononcé pour quelques économies restreintes au niveau des dépenses sociales, dont certaines visent d'ailleurs aussi à stimuler l'emploi. Une fois de plus, je ne ferai pas le procès de ces mesures ponctuelles. Ce qui compte pour moi, c'est le tableau global: proportionnellement, les cotisations sociales diminuent bien plus que les dépenses sociales.



La réforme fiscale est donc aussi une réforme du financement pour la sécurité sociale qui, traditionnellement, est payée par le biais du travail. Le tax shift requerra peu à peu plus de recettes fiscales générales pour pouvoir tenir les promesses de la protection sociale.



Un programme sain



Moins de charges sur le travail, plus de marge pour les emplois et des salaires nets plus élevés, pas de manipulation fiscale avec le travail et une plus large intégration fiscale générale de la sécurité sociale: voilà un programme qui me semble sain tant au niveau économique que social. C'est aussi un programme que les syndicats ont déjà soutenu, voire même exigé par le passé.



L'élargissement de la base de financement de la sécurité sociale vers des moyens fiscaux généraux fait déjà partie des revendications syndicales depuis bien longtemps. C'est à présent un effet collatéral du tax shift décrié par les mêmes syndicats.



Il est encore trop tôt pour se forger une opinion finale: trop de détails doivent encore être précisés. Il serait déplacé de crier victoire: le glissement fiscal est trop restreint et, politiquement, nous ne pouvons pas programmer d'emplois. Mais le fait que l'on s'attaque enfin à l'anomalie fiscale aiguë et destructive de nos charges salariales, que cette approche soit cohérente et soit également profitable pour l'avenir de la sécurité sociale, est indéniable. Les critiques du tax shift ne doivent pas regarder l'arbre qui cache la forêt.