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La valeur ajoutée au coeur du système de rémunération des médecins et des hôpitaux + réaction Jean-Luc Demeere, président du GBS

La rémunération des prestations a engendré une saine dose de concurrence et donné lieu à des services conviviaux aux patients. Mais ses effets néfastes nécessitent une réforme. Les incitants sont mal placés, poussant ainsi à la surconsommation. Les Belges sont soumis à deux fois plus de radiations à des fins médicales que les Néerlandais. Il est également question d’un gaspillage de pas moins de 15% sur le total du budget. Il existe des distorsions entre les honoraires. Les revenus des médecins qui réalisent davantage de prestations techniques peuvent être 3 à 8 fois plus élevés. Les spécialisations dont nous aurons le plus besoin présentent souvent le moins d’attrait. On applique une approche en vase clos, qui ne correspond pas à la nécessité de soins intégraux vu la prédominance des soins dans le cadre de maladies chroniques. Le coût réel est peu transparent. La qualité n’est pas récompensée. Qui plus est, les hôpitaux les moins performants peuvent réaliser davantage de prestations et dès lors générer davantage de revenus. La nomenclature est un ensemble complexe de compromis politiques et de traditions héritées. Aujourd’hui déjà, pratiquement la moitié des hôpitaux fonctionnent avec des pertes. Les patients et les médecins doivent de plus en plus compenser des déficits. On réduit les effectifs, ce qui peut avoir des effets dramatiques sur la qualité des soins. Le système risque de se planter.



Il faut tendre vers un système de rémunération basé sur la création de valeur ajoutée! Et viser une valeur ajoutée maximale pour le patient. Le financement des prestations est utile pour les diagnostics complexes et les soins imprévisibles. Les soins prévisibles sont généralement rémunérés par un montant forfaitaire. Nous sommes partisans d’une combinaison intelligente de rémunération par prestation avec préfinancement pour les soins planifiables et de rémunération globale au-delà des frontières de l’organisation pour les soins de longue durée. Avec gratification systématique de la qualité. Qui obtient de bons résultats est récompensé, les autres sont incités à faire mieux. Les risques financiers sont transférés aux prestataires de soins en partant de l’idée que les excellents prestataires de soins se développeront, les autres étant appelés à s’adapter ou à disparaître. Les incitants doivent porter sur une qualité maximale par euro dépensé.



Ce qui, conjointement au compte rendu public, incite les hôpitaux à faire des choix ciblés dans l’offre de soins dans laquelle ils souhaitent exceller. Ils deviennent ainsi des prestataires de soins plus spécialisés et plus efficaces, qui complètent leur offre – principalement extra muros – par des soins de base et des soins dispensés dans le cadre de maladies chroniques. Le décloisonnement, la rationalisation et la collaboration interprofessionnelle sont stimulés entre les hôpitaux. Tous les acteurs partagent le même objectif: davantage de soins de qualité, axés sur le patient. Une stabilité financière doit être réalisée en assurant des moyens en suffisance et un budget suffisamment prévisible permettant l’établissement d’un budget pluriannuel. Une réforme approfondie de la nomenclature s’impose là où les distorsions entre les honoraires médicaux sont supprimées, en réduisant le gouffre existant entre les actes techniques et les activités intellectuelles. Tout cela devant encourager une concurrence positive entre les hôpitaux, de laquelle tout le monde sort gagnant: des patients qui bénéficient de meilleurs soins, des prestataires de soins récompensés pour leur excellence et une meilleure maîtrise des coûts pour la société.



Svin Deneckere, Fellow Healthcare and Elderly Care, Itinera



 



Demeere: «Il faut un courage politique»



«Itinera met en avant la valeur ajoutée pour les patients mais quel système peut apporter une plus-value pour les patients en termes de soins, d’accessibilité et de financement?», réagit Jean-Luc Demeere.



Le président du GBS estime qu’Itinera propose au niveau du financement une série de pistes «populistes»: réduire les différences de revenus entre médecins, réformer en profondeur la nomenclature, réduire le gouffre entre les spécialités dites «techniques» et les «intellectuelles»… Jean-Luc Demeere souligne que chacune de ces propositions mérite une approche complexe – par exemple, au niveau de la comparaison des revenus entre les différentes spécialités – et que les réformes doivent s’articuler dans un système cohérent. «Ici, Itinera propose des solutions qui proviennent de et sont appliqués dans des systèmes sanitaires très différents.»



A l’instar du groupe de réflexion, le président du GBS estime qu’il faut revoir la nomenclature des soins de santé, qui date de 1964, mais rappelle que les propositions formulées chaque année à ce sujet par Marc Moens, secrétaire général du GBS, se heurtent à un manque de budget. «Il faut donc plus de flexibilité à ce niveau. Il faut également poser des choix politiques au niveau de la santé publique. On ne peut pas tout soigner à n’importe quel prix. En outre, il conviendrait aussi d’abandonner le système conflictuel qui existe actuellement entre l’administration hospitalière et le corps médical. Si dans le futur système de financement des hôpitaux, les médecins recevaient des honoraires purs, il ne faudrait pas pour autant s’écarter du modèle de co-gestion. Les médecins doivent pouvoir influencer les choix des gestionnaires. Ce n’est actuellement pas le cas.»



Le Dr Demeere est persuadé que le système de santé n’évoluera pas sans un véritable courage politique. «En France, les directeurs régionaux de santé ont un réel pouvoir: ils peuvent fermer des hôpitaux, regrouper des activités… En Belgique, on en est loin. Le respect des normes hospitalières pose problème. S’ajoute à cela le rôle ambigu des mutuelles qui remboursent à la fois les soins dans le cadre de l’assurance maladie mais sont également des assureurs privés.»



Jean-Luc Demeere, président du GBS