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Tax Shift: Solutions rapides contre réforme fiscale fondamentale

Les Belges paient beaucoup d’impôts


En Belgique, le fisc prélève sur ce que génère annuellement notre économie près de 5 points de pourcentage de plus que la moyenne de la zone euro. Si la pression fiscale était chez nous aussi élevée que dans les pays voisins, le revenu disponible des Belges et de leurs entreprises augmenterait de quelque 18 milliards d’euros.

La ‘droite’ estime dès lors que l’État-providence (Big Brother ?) puise aujourd’hui vraiment trop dans la poche du petit contribuable, tandis que la ‘gauche’ ne manque pas de souligner tout ce que fait l’État en échange de nos impôts – sans omettre de préciser qu’une grande partie du revenu ou du patrimoine n’est pas taxée.

La présente contribution a pour but de mettre fin à ce fâcheux différend. Nous voulons expliquer comment fonctionne le régime fiscal, et pourquoi plusieurs impôts peuvent (ou doivent) coexister. Une meilleure compréhension de l’influence des impôts sur notre bien-être et sur notre comportement doit nous aider à réfléchir avec pragmatisme aux réformes au lieu de ramener le débat à ‘qui paie quoi’.

Est-ce là l’État-providence du 20e siècle, ou sont-ce ses dérives ? Comment cet ancien système peut-il survivre alors qu’une montagne de dettes doit être remboursée, que la population vieillit, que d’énormes investissements sont nécessaires pour transformer notre économie axée sur les combustibles fossiles, et que l’Europe perd sa capacité à régner sur le monde ?

Il est évident que le système fiscal belge doit être réformé. Ceci est un plaidoyer en faveur d’une société dans laquelle le régime fiscal/la sécurité sociale n’engage aucune lutte entre les assistés et les contribuables, entre les débiteurs et les créanciers, mais peut au contraire contribuer à une meilleure cohabitation.

La fiscalité a un grand impact sur notre vie. Elle influence notre façon d’organiser notre travail et nos déplacements, et même les décisions que nous prenons dans la sphère privée. Réfléchir à une réforme fiscale s’apparente à assembler un puzzle constitué d’innombrables pièces. Il faut d’abord clairement préciser le but de la réforme. Il existe dans l’intervalle un consensus explicite visant à alléger les charges sur le travail, sans perdre de vue la redistribution et d’autres objectifs fiscaux à cet égard. On se base pour cela sur la conception économique qu’un impôt sur le revenu du travail a d’importantes conséquences nuisibles. Il convient alors de situer cette conception dans le contexte, à savoir au moyen de l’établissement d’un classement cohérent allant des impôts favorisant la croissance aux impôts nuisibles pour l’économie. Ce n’est qu’ainsi que l’on évite le piège d’aggraver le problème au lieu de le résoudre.

Tax shift


Les discussions relatives à ce qu’on appelle le tax shift ou glissement fiscal, ont facilement tendance à glisser vers un certain nombre de solutions rapides temporaires. Même dans un contexte aussi restreint, il importe que le point de vue économique soit lui aussi abordé. Il est utile d’observer des schémas montrant les effets redistributifs statiques d’un glissement des impôts sur le travail vers la consommation ou le patrimoine. Il est toutefois difficile ici de parler d’analyse économique.

Prenons l’exemple d’un individu qui introduit via Tax-on-web, le module en ligne de l’administration fiscale belge, divers chiffres liés à son revenu brut pour voir ce qui lui reste en net. Et tout part de là. Sur la base d’une telle simulation, cet individu peut envisager d’apporter certains changements à son offre de travail. Ce n’est que lorsque des changements de comportement sont pris en considération que l’on peut parler d’une analyse économique. Une telle analyse peut se faire au niveau micro, mais une tentative d’agrégation au niveau macro est également possible. Il sera tout aussi crucial de distinguer les effets à court terme des effets à long terme.

Parce qu’il est difficile, dans le contexte d’une solution rapide, de procéder à une adaptation de grande ampleur du mode de taxation du patrimoine et des revenus du patrimoine, une telle opération sera fatalement plus limitée. La taxation de la plus-value réalisée dans l’année est un exemple de solution rapide, si elle s’accompagne d’un glissement de l’impôt sur le revenu vers la consommation et la pollution.

Réforme fiscale fondamentale


Une réforme fiscale fondamentale consiste avant tout à avoir une base d’imposition plus large permettant de réduire les taux – contrairement au modèle actuel avec une base érodée et des taux élevés. Si l’on parvient à une telle réforme fiscale, au lieu de quelques solutions rapides, il est encore plus important de sonder les effets des micro-simulations statiques. Cela semble évident, car le but d’une réforme fiscale fondamentale ne peut pas être d’avantager un groupe défini au détriment d’un autre. Se focaliser excessivement sur les effets statiques peut même faire en sorte de perdre de vue la finalité de la réforme fiscale. Si l’on part du coût d’un impôt tel que

coût total = impôt + coût d’efficacité + coût de mise en conformité,


le monde politique ne retient souvent que le premier terme, c’est-à-dire la question de savoir qui se voit prélever d’un certain montant. Nous avons attiré l’attention dans cette contribution sur le fait que l’incidence finale peut toutefois être différente de ce qu’elle semble à première vue. Un abaissement de la TVA sur l’énergie ou les repas risque ainsi de profiter au producteur d’électricité ou à l’exploitant horeca plutôt qu’au consommateur. Les fiscalistes sont très sensibles au coût de mise en conformité dans leur expérience pratique de l’extrême complexité de certaines règles fiscales. Les économistes se concentrent pour leur part typiquement sur le coût d’efficacité ou la mesure dans laquelle un impôt génère un coût excédentaire pour la société, en plus du montant collecté. Il y a bien sûr également une interaction suite à laquelle la complexité peut avoir un impact sur les autres termes.

Pour l’analyse économique, il est capital d’étudier les effets dynamiques d’un régime fiscal. Il y a plus de cinquante ans déjà, la première analyse économique a démontré que la manière dont l’impôt des sociétés peut conduire à une baisse de la rémunération des travailleurs, dépend de l’horizon temporel. L’analyse des effets dynamiques est plus complexe et moins univoque que beaucoup le souhaitent, mais ignorer ces effets n’est pas une option. Ce serait comme dans le cartoon où on voit une personne chercher ses clés de voiture sous un réverbère, non pas parce que c’est là qu’elle les a perdues, mais parce que c’est là qu’il y a de la lumière.

“Tax shift, Waarom ons land een belastinghervorming nodig heeft” a paru chez Lannoo : http://www.lannoo.be/taxshift