Réforme des pensions : impliquons les jeunes
La réforme des pensions est avant tout un projet de société qui doit renforcer la confiance des jeunes dans le soutien à apporter aux aînés et l’attention des aînés à la qualité de vie active des jeunes.
La réforme des pensions ne se mènera pas de façon technique, même si les conséquences techniques doivent être abordées et l’ont été notamment (mais pas seulement) dans le cadre de la Commission de Réforme des pensions et du Conseil académique des pensions (1): elle est éminemment politique. L’enjeu consiste à renforcer les solidarités inter et intragénérationnelles. Il s’agit de renforcer les principes de lisibilité, de transparence, de solidarité et de solidité du système en adéquation avec les changements démographiques et sur le marché du travail.
La transition démographique se fait sentir de manière prononcée aujourd’hui avec le passage à la pension de la génération du papy-boom. Depuis 2003, nos dépenses de pension augmentent deux fois plus rapidement que les cotisations de Sécurité sociale. Et cela n’est pas lié aux différentes politiques d’allégement des cotisations de Sécurité sociale puisque la part des recettes de cotisations sociales dans le PIB reste constante.
En revanche, la croissance des dépenses de pension est alimentée par un double effet : la hausse du nombre de pensionnés (environ 35 000 pensionnés supplémentaires par an) et la hausse de la pension moyenne qui s’explique par le relèvement des minima pension, par l’arrivée massive de jeunes pensionnés avec des pensions plus élevées que leurs aînés et par la pension des femmes qui augmente en parallèle avec leur participation accrue sur le marché du travail.
Solidarité obligatoire
Pour répondre au défi de la réforme des pensions, nous avons besoin de l’intelligence de tous, des parlementaires, des partenaires sociaux, des administrations de pension, des citoyens et de celles et ceux qui font l’information. Nous avons besoin de plus de pédagogie et moins de démagogie. Plus d’informations objectives et moins d’opinions dogmatiques.
Plus une communauté de destin et moins des communautés de lobby et groupes d’intérêt. Les débats sur les pensions ont pour particularité de se nourrir des peurs et ces débats se fondent souvent sur des fantasmes ("la pension à points est une loterie") et des discours alarmistes ("votre pension est menacée") qui ne favorisent pas le changement mais au contraire crispent les positions des uns et des autres et débouchent sur l’immobilisme.
Le projet d’une réforme structurelle, pragmatique et non dogmatique des pensions, consiste en la mise en place d’un système de pension basé sur des règles communes (entre régimes de pension des fonctionnaires, des salariés et des indépendants) renforçant la solidarité intergénérationnelle, responsabilisant chacun dans ses choix, protégeant les plus fragiles par la solidarité avec ceux qui peuvent répondre à ces fragilités, et permettant à tous de ressentir le fruit de son travail par sa dimension contributive.
Nos concitoyens ont parfois perdu la vision du bien commun et d’une communauté de destin et chacun se crispe sur la défense de ses intérêts particuliers (et la tentation du repli identitaire). Si nous laissons cette dérive se poursuivre, si les jeunes générations perdent la confiance dans le système des pensions, pour quelle raison continueraient-elles à soutenir par le vote et financer par leur travail un système auquel elles ne croient plus ? Si les personnes âgées ne sont pas attentives à la détérioration de la qualité de la vie et du niveau de vie des actifs, nous nous exposons à des conflits générationnels qui vont saper le fondement de notre Sécurité sociale.
La pauvreté des jeunes augmente
Il faut oser dire aujourd’hui que, partout en Europe, la pauvreté baisse chez les seniors mais elle augmente chez les jeunes. C’est du jamais-vu, le taux de pauvreté est aujourd’hui plus élevé chez les jeunes que chez les pensionnés. Selon Eurostat, en 2016 le risque de pauvreté en Europe est de 23 % chez les 18-24 ans contre 14 % chez les 65 ans et plus. Attention de ne pas faire de notre Sécurité sociale un modèle de solidarité vieillissante organisé par et pour les plus âgés sans et contre les jeunes (papy winners, baby losers !). La réforme des pensions est donc avant tout un projet de société qui doit renforcer la confiance des jeunes dans le soutien à apporter aux aînés et l’attention des aînés à la qualité de vie active des jeunes.
Entendre l’angoisse
Pour lutter contre l’anxiété ambiante à l’égard des pensions mais aussi de l’évolution du monde du travail et de la société en général, nous devons employer un langage crédible et de confiance avec toutes celles et ceux qui sont confrontés aux angoisses légitimes des gens, à savoir les parlementaires par leur proximité avec le terrain, mais aussi les partenaires sociaux qui mesurent les angoisses des salariés et leurs interrogations légitimes.
Notre pension, du fait de son financement par répartition, est le reflet du monde du travail et de l’évolution de l’emploi et des salaires. Il est évident que les à apporter aux aînés et l’attention des aînés à la qualité de vie active des jeunes et réfléchir au taux d’emploi des seniors. Nous restons coincés avec un taux d’emploi de 68 % tandis que la Suède a un taux d’emploi de 77 %.
Il est impératif d’instaurer un véritable dialogue entre les partenaires sociaux et les politiques sur les éléments incombant au système de pension et au monde du travail, mais aussi aux possibilités de combiner travail et pension via des formules de pension progressive. On a peu avancé sur la question cruciale des fins de carrière qui pourtant concernent un nombre croissant de travailleurs. On reste assez complaisant sur l’hypocrisie consistant à recourir au système de pension pour réaliser des ajustements industriels ou organiser des départs anticipés, ou encore à utiliser notre système de maladie invalidité comme formule d’anticipation des fins de carrière.
L’urgence
Pour réussir, la réforme des pensions doit être menée dans la transparence et la franchise. Il faut commencer par se poser la question centrale : comment allons-nous répartir les coûts liés au vieillissement sur la prochaine décennie (c’est-à-dire à l’horizon 2030) ?
Je ne parle pas des simulations à l’horizon 2050-2060 que l’on nous rabâche en permanence. Je parle du futur immédiat. Quelle répartition entre hausse des financements, allongement des durées de carrières, et baisse des pensions ? C’est une question qui n’a jamais été vraiment posée à ce jour et qui pourtant me semble essentielle pour amorcer un dialogue franc et transparent avec les partenaires sociaux.
(1) https ://www.conseilacademiquepensions.be