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Réconcilions l’intégration et le marché du travail

Les derniers chiffres sur la participation au marché du travail selon l’origine des personnes viennent d’être présentés dans le monitoring socio-économique. Le principal enseignement de ce rapport, au-delà de la position de chaque groupe, c’est la diversité des résultats entre ces groupes d’origine différente, que ce soit en termes d’emploi, de chômage, d’inactivité et de mobilité socio-économique. Ainsi, les écarts des taux entre le groupe d’origine belge et les autres groupes est important. Tout comme les écarts entre les groupes d’origine étrangère est important. La Belgique est en outre le mauvais élève européen en matière de participation au marché du travail de ses citoyens issus de l’immigration. Pour certains groupes de la population, on enregistre un taux d’emploi inférieur de 15 points de pourcentage à la moyenne européenne, et de plus de 40 points de pourcentage par rapport au meilleur élève européen.



Mais au-delà de ce constat, quelles sont les causes de cette diversité dans la participation au marché du travail ? On ne peut malheureusement pas donner d’explications satisfaisantes sur l’unique base des chiffres présentés dans la dernière version du Monitoring socio-économique. Il faut aller plus loin dans l’analyse. Il faut faire l’hypothèse de facteurs explicatifs. Il faut ensuite tester ces hypothèses. C’est ce qu’a fait la Banque Nationale à propos de la position des belges de deuxième génération. L’étude de ce groupe en particulier n’est pas choisie par hasard. En effet, on pourrait s’attendre à une convergence sur le marché du travail entre la position des enfants issus de l’immigration et les personnes d’origine belge. Et l’ampleur et la rapidité de la convergence témoignerait de la réussite ou de l’échec du processus d’intégration. Le but de telles analyses est bien la détermination des facteurs explicatifs de l’écart entre les taux d’emploi. Et dans le cas de la Belgique, on peut également se demander si certaines de ces variables explicatives sont plus importantes que dans d’autres pays. Sont-elles davantage liées à des caractéristiques observables de la population issue de l’immigration ou s’agit-il de facteurs qui ne sont pas observables : Le niveau d’éducation est-il plus déterminant en Belgique qu’ailleurs et/ou s’agit-il davantage d’une pénalité ethnique ?



En Belgique, la position de la deuxième génération s’améliore quelque peu pour les personnes issues de l’Union, pas pour celles hors UE. Et le niveau d’éducation est un facteur important dans l’explication de la différence du taux d’emploi pour la deuxième génération alors qu’il ne joue qu’un petit rôle dans nos pays voisins. Eux réussissent bien mieux que nous à réduire l’écart de niveau d’éducation d’une génération à une autre. Ainsi, le système éducatif belge doit être impérativement réformé pour permettre, à l’instar de nos voisins, une convergence du niveau d’éducation des différents groupes de la population. C’est cette convergence qui entrainera une meilleure intégration sur le marché du travail.  



Mais les différences en niveau d’éducation en Belgique n’expliquent qu’une partie de la variation des résultats des personnes d’origines différentes. Il y a dès lors d’autres éléments importants qui influencent la participation de ces personnes sur le marché du travail.



Il s’agit de la conjoncture économique. La position sur le marché du travail est liée à l’état de santé de l’économie. Un climat économique favorable favorise l’intégration. On observe ainsi une meilleure position des personnes issues de l’immigration en Flandre, à la fois en terme de résultat global mais également pour les sous-groupes d’origines distinctes. Les résultats de la Flandre sont meilleurs car le taux d’emploi y est plus élevé et l’enseignement meilleur. Mais on pourrait penser que l’intégration y est en moyenne plus difficile car le migrant doit nécessairement apprendre une nouvelle langue. Ce n’est pas le cas de tous les migrants en Wallonie. Une partie d’entre eux parle français en arrivant. Mais les chiffres globaux ne semblent pas indiquer que les personnes parlant initialement le français s’intègrent mieux dans la partie francophone du pays. Les écarts de taux d’emploi entre la Région wallonne et la Région flamande sont de 3,5 et 10 p.p. respectivement pour les personnes d’origine maghrébine et d’origine d’autres pays africains. Ce qui oscille autour de l’écart moyen de 6,7 p.p. entre les deux régions. Or, beaucoup viennent de pays francophones. Il serait néanmoins périlleux de conclure que la connaissance de la langue ne constitue pas un avantage dans le processus d’intégration. A l’inverse, s’il est d’une évidence même que la connaissance de la langue est un facteur nécessaire à l’intégration, ces chiffres semblent montrer qu’il ne s’agit pas d’un facteur suffisant.



Il existe aussi une pénalité ethnique. La discrimination est un fait avéré en Belgique. L’étude Jonas plutôt que Okan en Flandre montre qu’il faut qu’un jeune d’origine turque envoie 44% de CV en plus pour obtenir un entretien, relativement à un jeune flamand qui a exactement le même profil. S’il s’agit d’une réalité, il ne faut néanmoins pas réduire le problème de l’intégration à ce seul facteur.



Les derniers chiffres sur la participation au marché du travail viennent donc de sortir, il faut les analyser avec prudence car, à leur seule lecture, ils ne révèlent pas les facteurs qui les expliquent. Et la tentation de faire des raccourcis peut être grande. Mais certains de ces facteurs explicatifs ont déjà été identifiés. C’est sur cette base multifactorielle que l’on peut commencer à travailler pour mettre en place une bonne politique en vue de l’intégration de tous nos citoyens à notre marché du travail.