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Quelle transition vers un système de pension à points ?

Notre système de pension légale doit être réformé pour assurer sa pérennité. Le système actuel est un empilement de règles héritées du passé qui ne tient pas compte de l’évolution démographique. Le système est devenu trop complexe, il manque de lisibilité, il coute trop cher. Le très pertinent rapport des experts de la commission de pension s’attaque à ce constat et propose un système de pension basé sur un « compte à points ». Dans ce système alternatif chaque personne dispose d’un  compte  dans lequel sont crédités chaque année un certain nombre de points qui dépend du salaire perçu par le travailleur. Une partie de la pension perçue dès la fin de carrière est indépendante du montant des points engrangés (ou du salaire perçu),  il s’agit de droits qui sont les mêmes pour tous, c’est la partie dite non-contributive. A côté de cette partie non-contributive, à l’âge de la retraite, le nombre de points accumulés dans le compte est converti en un montant. De ce montant est calculée une rente qui dépend de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance de vie. Ce système transparent répond à l’actuelle complexité. En outre, il n’est pas figé et permet de tenir compte des caractéristiques démographiques actuelles et à venir. Cette réforme encourage aussi à poursuivre une activité car, d’une part, une plus longue carrière augmente le nombre de points et, d’autre part, elle réduit la durée attendue de la pension. La conversion d’un plus grand nombre de points sur moins d’année entraine une augmentation de la rente de la pension. Chaque bénéficiaire est aussi libre d’adapter son plan de pension à ses préférences et ses opportunités.



Ce système de retraite par points n’est pas nouveau. En Allemagne il est en place depuis 1992 et, en plus d’avoir rendu le système plus facile à comprendre, les règles en application permettent d’éviter les dérapages budgétaires (excédent de 3,8 milliard € en 2008).



Avant de voir fonctionner pleinement ce système de retraite par point, il est nécessaire de planifier la transition entre le régime actuel et le régime à venir. Les modalités choisies détermineront la durée  de transition (ou la vitesse avec laquelle on passera pleinement au nouveau système). Trois formules sont envisageables. 



La première formule, dite affiliation instantanée, consiste à changer instantanément de système. Les droits acquis dans l’ancien régime sont alors convertis en points du nouveau régime et les droits à acquérir seront directement comptabilisés en points. Dans ce cas, seul le nouveau régime subsiste. L’avantage de cette formule est de limiter la lourdeur administrative de conserver en parallèle l’ancien et le nouveau régime. La difficulté serait quant à elle double. D’une part, il faudrait gérer administrativement le basculement d’un système à l’autre en un temps minimum. D’autre part, cette transition immédiate requière de disposer des données de référence de chacun (durée de cotisation, salaire de référence) au moment où le changement s’opère alors que ces données ne sont connues qu’à la fin de la carrière.



Dans la deuxième formule, la transition est progressive et l’affiliation à l’ancien et au nouveau régime est successive. Les droits constitués dans l’ancien régime sont figés et ne sont pas convertis en points du nouveau régime. Les droits acquis par la suite sont quant à eux comptabilisés en points. A la fin de la carrière, la pension est calculée en additionnant la somme des deux pensions, comme s’il s’agissait de deux pensions distinctes, l’une provenant des droits acquis dans l’ancien régime et l’autre basée sur la conversion des points en une rente dans le nouveau régime. Dans cette transition, la tâche administrative est étalée dans le temps car les droits figés de l’ancien régime ne sont calculés qu’à la fin de chaque carrière. Elle est aussi moins lourde car il ne faut pas récupérer les données de l’ancien régime et les convertir en un équivalent-points du nouveau régime.



Quant à la troisième formule, la transition y est progressive avec une affiliation simultanée à l’ancien et au nouveau régime. Au cours de cette transition, les deux régimes coexistent indépendamment l’un de l’autre. A la fin de carrière on obtient deux montants de pension. Un système de pondération entre ces deux montants détermine la pension finale. La transition est telle que le poids du nouveau régime augmente pour atteindre 100%, ce qui met fin à l’ancien régime et à la transition. Ce système évite lui aussi la récolte de données nécessaires lors de la transition instantanée. Il est néanmoins plus lourd d’un point de vue administratif que la transition successive car les deux régimes continuent à fonctionner pleinement de concert. Son avantage est de pouvoir gérer la durée de la transition en adaptant la pondération entre l’ancien et le nouveau régime.



Le choix d’une des formules de transition dépend de qui bénéficiera du nouveau régime, de la durée de la transition et de son coût administratif,  c’est-à-dire de l’équité et de l’efficacité. Comme l’ancien et le nouveau régime sont différents, certains bénéficieront du nouveau système, d’autres en pâtiront.  Une transition plus longue favorisera une partie des futurs retraités. C’est une décision d’équité qui se pose.  L’efficacité doit quant à elle minimiser le coût administratif et le manque à gagner d’étendre la transition. Le futur gouvernement, en concertation avec les interlocuteurs sociaux, doit évaluer ces coûts et faire un choix, et quel qu’il soit, il doit annoncer sa décision le plus rapidement possible avant la mise en œuvre de la réforme pour que les futurs pensionnés puissent s’y préparer.