Vers l'aperçu

La réussite en héritage

La question de l’enseignement est trop souvent sous l’emprise des discours idéologiques. Nos élèves et enseignants deviennent les otages des querelles politiques. Nos décideurs publics ont une approche nombriliste de l’enseignement qui ignore ce qui se passe ailleurs.

En matière d’enseignement les avis s’opposent et les clichés ont la vie dure. Pour cette raison il est indispensable de comprendre la situation sur le terrain et d’évaluer les politiques scolaires, si l’on souhaite favoriser un changement profond et durable.

La question de l’enseignement est trop souvent sous l’emprise des discours idéologiques. Nos élèves et enseignants deviennent les otages des querelles politiques.

Nos décideurs publics ont une approche nombriliste de l’enseignement qui ignore ce qui se passe ailleurs. La Belgique en est un bon exemple puisque le monde francophone ignore presque tout de l’enseignement néerlandophone, et le monde flamand ignore presque tout de l’enseignement francophone.

À l’occasion d’un livre co-édité avec un collègue flamand, le professeur Kristof De Witte *, j’ai pu réaliser à quel point la Flandre méconnaissait notre système d’enseignement, notre Pacte d’excellence et les politiques menées pour lutter contre le décrochage scolaire.

L’école poursuit trois objectifs fondamentaux: promouvoir l’autonomie individuelle, l’égalité des chances et l’excellence. Comment se situe notre école par rapport à ces trois objectifs?

L’objectif de liberté de l’enseignement est fortement contesté aujourd’hui. C’est un recul par rapport à la position des philosophes des Lumières selon qui "la liberté des opinions ne serait plus qu’illusoire si la société s’emparait des générations naissantes pour leur dicter ce qu’elles doivent croire" (Condorcet, 1791).

La liberté d’enseignement reste cependant bien établie en Belgique qui se classe 3ème sur 136 pays sur base de l’indice international de la liberté d’enseignement.

Les deux autres objectifs d’égalité des chances et d’excellence pourraient se résumer en une phrase: notre enseignement doit non seulement faire réussir le plus grand nombre mais aussi intégrer le plus grand nombre. Un défi important est l’hétérogénéité croissante des populations scolaires: plus de la moitié des élèves dans l’enseignement fondamental à Anvers sont musulmans.

Dans cette perspective notre système scolaire, flamand ou francophone, a une mission d’intégration. C’est sur cette double mission d’excellence et d’intégration que l’on peut évaluer notre école.

À cet égard notre école tant francophone que flamande est en échec. Notre système scolaire correspond plus à un modèle de réussite en héritage que par le mérite. Le taux de redoublement à l’âge de 15 ans est cinq fois plus élevé dans les familles modestes que dans les familles aisées.

Pour chaque pays, on peut mesurer le taux d’égalité des chances de son enseignement sur base de la capacité des élèves de milieux modestes à se hisser à un niveau scolaire équivalent à celui des élèves de milieux favorisés.

Le résultat est étonnant avec de grandes variations entre pays. Le Canada est les pays avec le taux d’égalité des chances le plus élevé (80%). À l’inverse tant la Belgique que ses deux communautés linguistiques figurent tout en bas de classement avec le taux d’égalité des chances le plus faible (50%). Cette forte dispersion entre pays démontre qu’il n’y a pas de fatalité sociale. Plus fondamentalement, on peut montrer que l’égalité des chances est meilleure lorsque les inégalités scolaires sont faibles.

Une autre observation importante de notre analyse est que l’égalité des chances à l’école est favorable à l’excellence. L’égalité des chances permet de révéler et de valoriser tous les talents issus de toutes les couches sociales. Autrement dit l’excellence et l’égalité des chances font la paire.

Cela doit nous convaincre que le changement est possible sans opposer l’excellence à l’égalité des chances à l’école. Une politique d’égalité des chances bien pensée ne se traduit pas par un nivellement vers le bas, mais au contraire par un nivellement vers le haut.

Alors que faire? Au niveau politique, mettre en œuvre rapidement notre pacte d’excellence qui offre une chance unique de remettre en marche l’ascenseur social sur base d’un consensus politique et social inédit.

Au niveau des acteurs de l’enseignement faire comme disait Sainte Mère Teresa "Do not wait for leaders; do it alone, person to person". C’est ainsi que l’on gagnera la lutte contre l’échec scolaire et l’inégalité sociale de notre enseignement.

Donnons plus d’initiative aux gens de terrain (comme le suggère le pacte d’excellence) et décloisonnons notre école avec des formations en alternance.