Vers l'aperçu

Deux mesures révolutionnaires a l'impot des societes

Lorsqu'on repense la taxation des sociétés sous des angles innovateurs, l’important est que les révolutions fiscales ne soient pas, au sens étymologique, un retour au point de départ. Examinons dès lors deux pistes inédites pour stimuler l'investissement productif et l'emploi, en référence avec la mesure (souvent décriée) des intérêts notionnels.



Le principe des intérêts notionnels consistait à déduire de la base taxable à l’impôt des sociétés un pourcentage (exprimé sous forme de taux d'intérêt fictif ou "notionnel") des capitaux propres de l’entreprise, c’est-à-dire de l’investissement des actionnaires. Il s’agissait donc de défalquer fiscalement une charge "notionnelle", c'est-à-dire non décaissée. En d'autres termes, les intérêts notionnels représentaient un jeu d’écritures comptables destiné à baisser la charge fiscale, sans que ces intérêts constituent un quelconque débours pour l’entreprise. J'en parle désormais à l'imparfait car les taux d'intérêt sont tombés dans des abysses séculaires. Leur caractère incitatif et l'avantage fiscal sont devenus caducs. Par contre, leur logique peut être transposée de manière positive à une taxation repensée.



Aujourd'hui, le problème conjoncturel n'est plus l'accès au capital, mais la relance de l'investissement et de l'emploi. En effet, nous traversons une crise de la demande, qui se traduit elle-même par un contexte déflationniste et récessionnaire. C'est donc par la stimulation de la consommation intérieure et de l'investissement productif que l'économie peut être relancée, d'autant que le stock de capital vieillit.



Il faut désormais imaginer une nouvelle fiscalité. C'est possible en appliquant le principe des intérêts notionnels (c'est-à-dire la déduction d'une charge non décaissée à l'impôt des sociétés) aux investissements et à l'emploi.



Pour les investissements, il faut en réduire le coût d'usage. Une solution intuitive pourrait être de permettre des amortissements accélérés. Malheureusement, cette mesure n'entraîne qu'un effet de trésorerie puisqu'elle ne permet à l'entreprise qu'à anticiper la déduction fiscale (et donc l'économie d'impôt) associée à l'amortissement. Cet effet de trésorerie est négligeable en période de taux d'intérêt nuls. Il faut donc l'écarter.



Une mesure offensive s'impose alors : il s’agirait d'amortir fiscalement les biens pour un montant supérieur à leur coût d’acquisition. Par exemple, un investissement de 100 pourrait être amorti pour un montant exemplatif de 130. Comme pour les intérêts notionnels, la différence de 30 ne correspondrait pas à un décaissement effectif : il s’agirait uniquement de déduire un montant de 30 à travers l’amortissement, c’est-à-dire par un jeu d’écritures fiscales. L’intérêt serait, pour l’entreprise, d’obtenir un avantage fiscal supplémentaire correspondant à ce surcroît d’amortissement (30), multiplié par le taux actuel d’ISOC (34 %), soit 10. Le gain de 10 réduirait le coût effectif de l’investissement qui passerait de 100 à 90 (en sus de l'effet de l'amortissement). Seuls les nouveaux investissements seraient éligibles à cette mesure incitative. Bien sûr, on argumentera que seules les entreprises qui paient des impôts pourraient bénéficier de cette mesure, d'autant que les pertes fiscales ne sont déductibles que des bénéfices futurs. Une solution serait alors d'imaginer un remboursement d'impôt effectif correspondant à l'avantage fiscal. Il serait plafonné en montant et dans le temps. Une telle mesure s'inscrirait dans la nécessaire ré-industrialisation du pays. Elle pourrait même être modulée en fonction du type d'investissement que le législateur veut favoriser et être déclinée différemment selon les régions.



Ceci étant, d'aucuns argumenteront, à juste titre, que des entreprises pourraient détruire des emplois par des investissements de mécanisation des taches. C'est pour cette raison qu'il faut une mesure similaire pour l'emploi. La même logique pourrait, dès lors, être appliquée aux salaires du personnel nouvellement embauché : un salaire brut de 100, déjà déductible de l’ISOC pourrait l’être pour un montant supérieur à 100. L’entreprise bénéficierait ainsi d’une réduction immédiate d’impôt qui abaisserait le coût salarial sans toucher à la sécurité sociale ou à l’indexation.



Ce type de mesure serait un lointain écho aux mesures Maribel, imaginées en 1981 pour stimuler l'emploi, au moyen d'une réduction des charges patronales pour les entreprises qui avaient recours à des travailleurs manuels et spécifiquement tournées vers l'exportation. L'opération Maribel avait dû être neutralisée à cause de son caractère discriminant.



L'idée que je développe s’en différencie néanmoins car l'abattement fiscal se traduirait par une diminution de l'ISOC et non pas des charges patronales. Le coût salarial serait donc abaissé par l'impôt des sociétés et non par la parafiscalité, qui resterait étanche. La piste n'est pas totalement neuve : en 1982, le législateur avait autorisé certaines catégories d'entreprises à constituer des provisions en exemption d'impôts, lors de l'engagement de personnel additionnel. Cette disposition pourrait ne pas être généralisée (eu égard à son coût budgétaire), mais limitée aux nouvelles embauches ou à certains types de travailleurs (jeunes ou âgés, par exemple). D'autres variantes existent, comme limiter la déduction aux premiers emplois.



Tant pour l’investissement que pour les frais salariaux, la réduction d’impôt devrait être affectée à une réserve indisponible qui ne pourrait pas servir au paiement des dividendes. Elle contribuerait ainsi à l’autofinancement des entreprises.



On l'a compris : une réforme de l'ISOC devient urgente. Ce n'est évidemment plus le passif (c'est-à-dire le financement) mais l'actif (c'est-à-dire l'investissement et l'emploi) des entreprises qu'il faut favoriser. Au reste, lorsque j'avais imaginé les intérêts notionnels en septembre 1999, l'économie était en haute conjoncture et le capital à risque raréfié. Cette idée fiscale s'inscrivait dans l'harmonisation monétaire induite par l'euro. Les taux d'intérêt étant élevés, il fallait réduire le coût du capital par une innovation taxatrice. L'économie était en expansion et ce n'est plus le cas aujourd'hui.



En conclusion, la réforme de l'ISOC doit impérativement s'inscrire dans le contexte de la croissance basse et surtout de la déflation. Dans cet environnement, il est inutile de stimuler le financer des entreprises. Une déflation s'accompagne de taux d'intérêt bas et d'une offre de financement moins onéreuse. C'est la demande et l'investissement qu'il faut favoriser au travers d'avantages fiscal portant sur l'investissement et l'emploi productif. Si une faible reprise se confirme, tout va se jouer dans les prochains trimestres. En mettant en œuvre les deux mesures défendues dans cette contribution, on ferait basculer la fiscalité dans une logique keynésienne. C'est incidemment l'orientation adoptée par le Ministre français des Finances, dont on tirerait grand profit à s'inspirer.