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Réduire l’imposition du travail, mais le faire de façon intelligente

Un glissement de la pression fiscale vers d’autres domaines que le travail s’impose. Itinera soutient qu’une réforme fiscale doit être réaliste du point de vue budgétaire. On peut aussi imaginer des réformes judicieuses qui peuvent être neutres sur le plan de la redistribution. Itinera analyse différentes pistes dans les deux dimensions (prix coûtant et redistribution).

Les partis politiques mettent, comme on peut le comprendre, l’accent sur les questions qui correspondent à leur profil idéologique. Itinera recommande d’être extrêmement prudent sur le plan de la faisabilité budgétaire, tout en faisant preuve de suffisamment d’audace pour alléger la fiscalité du travail. Pour l’après élections, Itinera demande aux partis d’envisager, en plus de leurs projets fiscaux actuels, un glissement supplémentaire de l’imposition du travail vers la consommation. D’après les calculs d’Itinera, cette opération est budgétairement réalisable sans impact conséquent au niveau de la répartition des revenus.

Avec cette proposition, nous voulons attirer l’attention sur des pistes de réforme fiscale qui soient budgétairement responsables, sans être nécessairement néfastes sur le plan de la redistribution. Nous montrons différentes pistes qui ont pour effet de réduire la pression fiscale sur le travail sans grand impact au niveau de la redistribution.

Les propositions avancées par les partis frappent par leur coût élevé. Souvent, les avantages des modifications proposées se concentrent sur certains groupes de revenus. Tandis que les revenus les plus bas ne sont pas concernés par les réductions fiscales proposées parce qu’ils ne paient pas d’impôt. Pourtant, une réforme fiscale peut selon Itinera également générer des avantages pour les déciles les plus bas. Nous proposons à cet effet le système de l’impôt négatif sur le revenu.

Proposition concrète : glissement de l’imposition vers la consommation


Si l’impôt sur le travail est diminué du même montant que les taxes à la consommation sont augmentées, l’imposition totale du citoyen n’augmente pas.

En ce qui concerne la consommation, nous nous basons sur un scénario comprenant une augmentation du tarif TVA de 2 points de pourcentage. En ce qui concerne les taxes environnementales, notamment sur l’énergie, le transport et la pollution, un exercice équivalant à 1% du PIB serait aussi à envisager. La presse spécialisée confirme qu’un tel glissement génère des avantages en matière d’efficacité. La population se demande cependant si ce genre de glissement n’est pas trop coûteux sur le plan de l’équité. Si le supplément de croissance économique que rapporterait cette mesure est investi dans la lutte contre la pauvreté et dans les politiques sociales, il n’y a qu’un pas de là à ne considérer que l’effet statistique des calculs sommaires de l’effet des réformes fiscales sur le pouvoir d’achat.

Nous démontrons qu’avec l’indexation des salaires, une augmentation de la TVA entraîne moins d’effets sur le plan de la redistribution qu’on ne le pense souvent. Cet argument est dès lors trop souvent formulé. Une augmentation pure et simple de la TVA aura plutôt des effets indésirables sur notre compétitivité, mais si les avantages budgétaires d’une augmentation de la TVA sont utilisés pour réduire les charges sociales sur le travail, ces effets indésirables ne se manifestent pas.

Réduire le manque à gagner de la TVA


La complexité du système de TVA belge entraîne une perte en recettes fiscales de non moins de 2,8 milliards d’euros. Faire passer le taux de TVA de 12% à 21% représenterait une augmentation des recettes budgétaires de 444 millions d’euros. La redistribution des recettes, calculée selon le coefficient de Gini, changerait à peine (et correspondrait même à une diminution de l’inégalité mesurée de cette façon). Ces recettes permettraient de réduire de 0,65 point de pourcentage le taux de la contribution individuelle à la sécurité sociale. La combinaison des deux mesures n’influencerait pas la redistribution de façon notable (variation maximale de 2 euros par mois au sein d’un décile). Nous avons donc ici un exemple de glissement des charges du travail vers la consommation, par le biais d’une combinaison qui simplifie aussi le système de TVA et n’a qu’un impact minime sur le degré de progressivité du système fiscal.

Une variante plus radicale serait d’imposer à 6% les biens de consommation actuellement exonérés, de porter à 12% le taux de TVA de 6%, et à 21% celui de 12%. Avec les 4,05 milliards que rapporterait l’opération, le taux de cotisation à la sécurité sociale pourrait être réduit de moitié. Une telle combinaison ferait néanmoins baisser de 0,57 point de pourcentage le coefficient de Gini, ce qui représente une perte mensuelle de 40 euros pour les deux déciles les plus bas. Cela impacterait les groupes concernés (mais de façon plutôt limitée) parce qu’étant donné leur degré d’inactivité, ils ne tirent quasi aucun avantage d’une baisse des cotisations sociales.

Le débat politique confirme que l’augmentation rapide et importante du taux d’imposition des personnes pour les salaires relativement modestes crée un mécontentement certain en Belgique.

Une des options politiques envisageables serait de ramener le taux actuel de 30% à 26%, celui de 40% à 36%, et celui de 45% à 42,5%, et de financer l’opération avec une augmentation du taux de TVA de deux points de pourcentage. Le premier décile perd 25 euros (1,6% du revenu équivalent) et le dixième décile gagne 39 euros (+0.36%).

Schémas de l’impôt des personnes en Belgique et dans les pays voisins




Une alternative serait de modifier les barèmes de manière à ce que les contribuables ne se retrouvent plus aussi rapidement dans les tranches d’imposition les plus élevées (voir graphique 8). Une augmentation du taux de TVA de deux points de pourcentage suffit pour n’appliquer le taux de 40% qu’à partir d’un revenu de 16.000 euros (au lieu de 11.890 euros), le taux de 45% à partir d’un revenu de 25.000 euros (au lieu de 19.810 euros), et celui de 50% à partir de 41.000 euros (au lieu de 36.300 euros). L’impact sur la redistribution de l’impôt des personnes reste ici aussi assez limité. Le premier décile perd 25 euros (1,6% du revenu équivalent) et le dixième décile gagne 39 euros (+0,36%).

Une bonne part des propositions formulées par les partis politiques ne tiennent souvent pas compte des ménages à bas revenus, ce qui s’explique évidemment par le fait que ces ménages ne paient de toute façon pas d’impôt. Il est pourtant possible de trouver une solution à cela. Cette situation rejoint le concept assez ancien d’un impôt négatif sur le revenu, qui n’a par le passé suscité qu’un intérêt très modéré en Belgique. Dans un tel système, le service des impôts peut réallouer le revenu. Grâce à cela, la situation fiscale ne deviendra que partiellement moins favorable suite à un passage du ‘chômage’ au ‘travail’, ce qui va augmenter l’incitation à travailler. Ceci est confirmé par les chiffres de la pression fiscale (marginale) élevée justement sur les bas salaires. Pour les économistes, cela présente un grand intérêt dans la mesure où les pouvoirs publics disposent ainsi de plus de liberté pour réduire de façon ciblée la pression fiscale sur les revenus les plus bas, sans que cela n’entraîne de changements économiques en leur défaveur ni ne fasse augmenter la charge bureaucratique. Mais ces avantages ne peuvent se concrétiser que si le système remplace un grand nombre des règles existantes.

“Tax shift, Waarom ons land een belastinghervorming nodig heeft” est publié par Lannoo: http://www.lannoo.be/taxshift