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Performance des systèmes scolaires : les leçons du modèle polonais


En 15 ans, la Pologne a réussi à doper ses résultats aux tests internationaux. En appliquant simplement la plupart des résolutions du Pacte d’excellence.






Ils ne sont pas, loin de là, les premiers de la classe sur l’échelle Pisa (le Programme international de suivi des acquis des élèves). En revanche, alors qu’ils figuraient voici 15 ans dans le ventre mou du tableau – avec les Belges francophones d’ailleurs –, ils en sont sortis de manière magistrale. « Ils », ce sont les petits Polonais, désormais classés (selon Pisa 2012) dans le top 10 mondial en sciences et dans le top 15 en mathématiques et lecture. Le tout a d’ailleurs été confirmé par les derniers tests « Pirls » où la Pologne occupe le trio de tête.

Alors que, ce samedi (lire ci-contre), 150 professeurs et citoyens se penchent sur le futur tronc commun, alors que les prochains mois seront décisifs pour l’avenir du Pacte d’excellence, deux scientifiques mettent le doigt sur ce « modèle » polonais.




Des années avant nous

« Ils ont fait, des années avant nous, exactement toutes les réformes prévues dans le Pacte », explique Jean Hindriks, professeur à l’UCL et spécialiste de l’économie de l’enseignement : « Recours accru aux examens externes, autonomie renforcée des écoles, refonte des référentiels, développement des compétences des enseignants, liberté de choix des manuels scolaires, allongement du tronc commun. » Pour lui, aucun doute possible : « Au-delà de la Finlande souvent citée, l’exemple, c’est la Pologne qui a réussi à faire progresser son niveau d’enseignement de manière significative en quelques années, tout en réduisant de moitié le nombre d’élèves de niveau faible et en réduisant aussi de moitié les écarts entre les écoles. »


A l’ULiège, la professeure Dominique Lafontaine abonde dans le même sens. Alors que certains ont regardé de haut ces tests internationaux, d’autres « ont pris les résultats Pisa au sérieux et ont tenté d’imaginer ou de mettre en œuvre des solutions ». La Pologne est connue « pour avoir combiné une amélioration spectaculaire de ses performances et une réduction tout aussi spectaculaire de l’iniquité » .




Le vaste mouvement de réflexion s’est amorcé avec la réconciliation Est-Ouest à la fin des années 80. Elle a abouti à une refonte du système : l’héritage communiste (huit années de primaire suivies d’un enseignement secondaire en filières) a fait place à un cycle primaire de six ans, complété par une formation générale jusqu’à 16 ans (le « gymnasium », comparable à notre secondaire inférieur) puis d’un cycle secondaire supérieur non obligatoire. « La réforme a donc consisté non seulement à postposer d’un an le moment de l’orientation en filières, mais aussi à fonder un véritable enseignement secondaire inférieur général et non différencié. »




Elle s’est accompagnée ensuite d’une importante réflexion sur les référentiels assortie d’attentes élevées. Dominique Lafontaine cite également, parmi les éléments positifs, une autonomie accrue des écoles, l’organisation d’évaluations externes certificatives et une liberté de choix de l’école.

Pas gagné d’avance

Les résultats sont sans appel : hausse sensible de la moyenne en lecture, forte diminution de la part d’élèves peu performants, augmentation plus légère de la part d’élèves très performants et diminution radiale de la variation de résultats entre écoles. Même si le pouvoir polonais actuel s’attire les foudres du secteur en remettant en question nombre de ces réformes, la baisse intervenue en 2015 s’expliquerait par le mode d’administration du test (informatique plutôt que sur papier).

« Ce n’était pas gagné d’avance, mais ils y sont parvenus », conclut Jean Hindriks. Tout en prévenant : « L’instauration du tronc commun seul n’aura pas d’effet ; c’est la combinaison de mesures fortes se renforçant l’une l’autre qui enclenche une telle dynamique. »

Le Soir, 20 janvier 2018