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Séminaire : agir durablement contre la pauvreté

Vendredi 3 juin, Itinera a organisé dans ses locaux un séminaire réunissant une vingtaine d’acteurs de terrain dans la lutte contre la pauvreté. Il s’agissait de la dernière étape avant de clôturer notre étude sur le sujet.

Comme la toute récente publication de l’OCDE vient encore de l’indiquer, si la Belgique est plus égalitaire que bien d’autres pays, il n’empêche qu’une part importante de la population est confrontée à une pauvreté persistante qui l’enferme, parfois de génération en génération. C’est particulièrement vrai pour certains publics tels que les familles monoparentales, les étrangers d’origine extra européenne ou les personnes peu formées. Les statistiques – dont notre synthèse est déjà disponible – le montrent sans ambiguïté.

Constatant le cercle vicieux de la pauvreté, nous proposons un changement de méthode qui brise  la roue de la pauvreté (breaking the wheel of poverty).  . Pour ce faire, nous proposons un ensemble de mesures complémentaires structurées autour de trois axes :

  1. améliorer l’impact de l’action par la collaboration
  2. construire l’action sur la confiance et la participation
  3. agir en amont par la détection, la prévention et la simplification.

L’objectif du séminaire était d’identifier, parmi les recommandations politiques que nous avons dégagées autour des trois axes, les mesures qui paraissent les plus susceptibles d’avoir un impact. Ces recommandations avaient notamment été élaborées à la suite de rencontres individuelles avec ces praticiens, réunis pour l’occasion.

Notre discussion a pris appui sur quelques cas : l’évaluation chez Teach for Belgium, la collaboration chez Bruss’Help, l’accompagnement individualisé chez ArmenTeKort, ou l’impact des différences de situation dans le traitement des cas individuels par les CPAS. Au départ de bonnes pratiques, les échanges ont permis de dégager quelques bonnes pratiques à encourager :

  • La nécessité d’une action coordonnée : il faut dépasser les silos. Le travail en réseau est une manière de répondre aux besoins d’une personne (approche par le public) sans perdre la spécialisation des acteurs (approche par métier) ;
  • La nécessité d’une évaluation par contribution à une chaîne de valeur ajoutée (contribution collective), plutôt que par attribution (contribution individuelle) : dans une action collective coordonnée contre la précarité on peut identifier des progressions et améliorations, même s’il est difficile (et souvent vain)d’en identifier les causes individuelles précises (biais de causalité).;
  • Le poids des contraintes : l’attention aux capacités individuelles est nécessaire, mais ne peut amener à faire l’impasse sur les risques d’enfermement de fait : être pauvre c’est aussi l’impossibilité de choisir vraiment. Tous les jours c’est la galère.
  • Le poids  des mots. La notion de « contrat » associée au Projet Individualisé d’Intégration Sociale (PIIS) utilisé en CPAS est abusive : la personne n’a pas vraiment le choix de s’y engager et, surtout, elle seule sera sanctionnée en cas d’irrespect de ce « contrat » ;
  • Le danger de l’isolement social. Certains réseaux permettent de surnager, alors que la solitude souvent fait couler, tout en enfermant les personnes concernées dans un même nœud de problèmes ;
  • Investir dans les projets qui ont de l’impact (« scale up ») : à quoi bon mener un projet qui réussit, si la réussite n’engrange d’effet multiplicateur sur les ressources. C’est parfois l’inverse quand les financements publics sont (ré)orientés vers les projets qui fonctionnent moins bien sous prétexte qu’ils en ont le plus besoin.
  • Mettre l’évaluation de l’évolution de la situation des personnes aidées au coeur de l’évaluation de l’action ;
  • Le risque du « numérique par défaut » : la fermeture des points de contact physique avec des interlocuteurs de première ligne est un facteur aggravant du décrochage social ;
  • La mobilisation des méga-données. Sur le plan administratif, il est possible d’apporter des changements à grand impact sans le moindre coût, par exemple avec un calcul correct et rapide des précomptes sur base des données déjà disponibles ;
  • Un renversement de la charge de la preuve et de la responsabilité, dans certains cas, permettrait de d’accélérer et simplifier les procédures de demande d’aide. Par exemple, des autorisations pourraient être données a priori sous réserve de confirmation. L’administration serait ultimement responsable des aides indûment versées.

Les conclusions de notre étude, comprenant ces éléments sans pour autant engager les personnes consultées, seront présentées dans une publication à l’automne prochain.